CALAIS APRÈS LA JUNGLE
Du 25/10/2024 au 30/11/2024
Le photographe
Après avoir travaillé comme éditeur de livres d’art durant une dizaine d’années, Mathieu Ménard se consacre entièrement à la photographie depuis 2017.
La recherche esthétique guide l’approche documentaire des sujets qu’il traite. La photographie lui permet de matérialiser son engagement en lui donnant l’opportunité d’aller à la rencontre de personnes, de territoires et d’apporter ainsi son témoignage sur des sujets sociétaux qui le touchent particulièrement. Au travers des sujets qu’il choisit, il a à coeur de mettre en lumière des personnes « invisibilisées ».
En 2023, grâce à l’accompagnement de Flore et de Sylvie Hugues durant une masterclass de huit mois, il amorce une nouvelle phase de création photographique à la fois plus intimiste et plus créative.
Son travail documentaire continue d’être diffusé par l’agence Zeppelin et ses reportages sont régulièrement publiés dans la presse : Les Cahiers du Cinéma, La Croix, Figaro magazine, GEO, L’Humanité, Libération, Le Monde, L’OBS, Pèlerin, Sciences & Vie Junior, Télérama...
Ses travaux personnels ont été exposés dans plusieurs festivals en France et Europe (Rencontres photo du 10e, Montmélian Photo Festival, Bratislava European Photo Month...). En 2020, il est Lauréat du Prix Voltaire de la Photographie avec sa série « Femmes de la Halte », exposée par le Centre des Monuments Nationaux au Château de Ferney-Voltaire, en 2021 et au Château de Bussy-Rabutin (Bourgogne) en 2022.
Après la Jungle, 2017-2024
Calais est connue pour sa position géographique stratégique face à l’Angleterre. Elle constitue à la fois un enjeu économique pour les deux pays et le lieu de toutes les crispations autour de la question migratoire au Nord de l’Europe.
La ville est moins célèbre sur les sujets environnementaux. Pourtant, tous ces sujets sont entrelacés indéniablement. L’ancienne grande « Jungle » a été démantelée en octobre 2016 et rapidement nettoyée, défrichée par le Conservatoire du Littoral, missionné pour suivre le chantier de « renaturation » sur ce site dit de « la Lande ».
Huit ans après le démantèlement du bidonville, les vestiges des anciens habitants ont disparu, la végétation a repoussé, des hirondelles se sont installées dans la falaise reconstruite et d’autres oiseaux migrateurs profitent de ce nouvel espace naturel protégé. Des chevaux mangent paisiblement là où, dans l’ancien centre de vacances J. Ferry, était proposé un accueil pour femmes et enfants et un accès à des douches.
Depuis 2017, je documente les transformations que subit ce lieu, année après année. J’ai observéet photographié le nettoyage, le désamiantage, la destruction et la « renaturation ». En à peine 18 mois, le site naturel était sorti de terre et inauguré en juin 2018, en toute discrétion, avec une presse triée sur le volet. Naïf les premiers mois, enjoué ensuite par un tel projet de protection de la nature, j’ai très vite été conscient de l’ironie que représentait cette situation face à la présence des politiques le jour de l’inauguration et la rapidité de l’aboutissement de ce projet de « renaturation ».
Selon une analyse menée par l’ONG Statewatch, la renaturation confiée au Conservatoire du Littoral ne possède que l’illusion du « naturel ». La décision de privilégier des aménagements (dunes, fossés, plans d’eau…) et des espèces végétales rases a été prise dans le but d’empêcher l’accès au site et des « réinstallations », comme l’a souhaité le ministre de l’Intérieur français en mars 2017, Bruno Le Roux : « J’ai voulu être à Calais aujourd’hui pour voir que le démantèlement va maintenant se poursuivre avec un projet ambitieux de retour à la nature. Pour que cela profite à l’environnement et surtout pour s’assurer qu’il n’y aura pas de nouveaux campements à Calais. »
L’auteure de cette analyse confirme le cynisme du retour à la nature de ce lieu que j’ai ressenti, perçu, observé et photographié: « L’environnement doit être compris comme une technologie de formation et de conservation du territoire, façonnant la zone frontalière pour être hostile à certains, invitant à d’autres. »
Mathieu Ménard