Chroniques judiciaires au jardin avec Catherine Lison-Croze

À Angles-sur-l'Anglin, le 15 août 2024 à 15 heures

Quand on demande à Catherine Lison-Croze si ses romans s’inscrivent dans la continuité des procès d’assises où, comme avocate, elle a défendu tant de personnes dont la vie a basculé, elle avoue que sa longue immersion dans l’arène judiciaire a bien sûr laissé des traces. Pour ajouter aussitôt que les relations entre le droit et la société sont loin toutefois d’être figées.

Dans L’Affaire Depardieu, une des nouvelles de son dernier livre (Le Tourbillon de la vie – Éd. LÉA – juillet 2024), ces rapports évolutifs sont très présents. Catherine Lison-Croze s’est glissée, le temps d’un délibéré, dans la peau de cinq magistrats d’une de ces cours criminelles instituées en 2023 pour les droits communs passibles de 15 ou 20 ans de réclusion. Des juridictions qui doivent rendre la justice au nom du peuple français, mais en l’absence de celui-ci, le jury populaire créé à la Révolution française, en étant dorénavant exclu.

Des évolutions dans le monde judiciaire, Catherine Lison-Croze en a connu beaucoup. À commencer dans les années 70, par ces tribunaux, où les juges ont fini par accepter les demandes de renvoi des crimes de viol aux assises, dans le sillon tracé par Gisèle Halimi. Depuis cette époque, l’avocate pénaliste a participé à bon nombre d’audiences-tribunes pour défendre les droits fondamentaux : ceux des médecins du Centre d’IVG de l’hôpital Bretonneau à Tours et de leurs patientes, en butte à des médecins rétifs à l’application de la loi Weil ; ceux de personnes internées en psychiatrie sans réel contrôle ; ceux des objecteurs de conscience aussi, envoyés systématiquement en prison. Sans oublier les droits des homosexuels, dont l’orientation a constitué un délit jusqu’en 1982…  

1981 a marqué un tournant. Avec en premier, l’abolition de la peine de mort. Catherine Lison-Croze a toujours en mémoire ces quelques mots : « Maître, faites selon votre conscience », prononcés en 1976 par les parents de la petite Cécile Revelli, tuée par un prédateur sexuel à St Cyr sur Loire, qui la chargeaient de se constituer partie civile et auxquels elle venait de faire part de son hostilité à la peine de mort.

L’affaire Sylvie Reviriego a eu une résonance particulière. Catherine Lison-Croze a défendu l’accusée dont le procès s’est tenu en juin 1991 à Tours. Pour quelles raisons cette aide-soignante à l’hôpital, mère de deux enfants, aimante envers ses parents, ses frères et sœurs, bien intégrée professionnellement, avait-elle pu droguer puis tuer une de ses amies, et ensuite, la dépecer ? Selon Catherine Lison-Croze, le rôle essentiel de médicaments prescrits illégalement avaient profondément modifié le psychisme de sa cliente. Cet élément a volontairement été inexploré dès le début d’une instruction à charge, puis totalement éludé. Son livre Cherche justice désespérément (Éd. Denoël 1993) retrace les étapes de ce qui reste pour elle l’exemple même du procès inéquitable.

Confrontée aux violences faites aux femmes, que ce soit au travail, dans leur vie privée ou dans l’espace public, Catherine Lison-Croze a souvent plaidé au pénal, mais aussi devant les juridictions sociales, familiales et administratives. Cet éclectisme transparaît dans ses romans, comme Sous la foi du palais, La Porteuse, et La fille au burkini. La pénaliste se revendique « généraliste », les droits humains étant à ses yeux indivisibles.